Avec Redfall, Arkane Austin nous plonge dans un monde sombre infesté de vampires. Le FPS jouable aussi bien en solo qu'en coop voulait se démarquer ? C'est réussi...
Avec chacun de ses titres, Arkane a su apporter une proposition innovante au genre du FPS. La série Dishonored pour son level design génial, sa direction artistique et sa liberté d'approche. Le plus récent Deathloop, d'Arkane Lyon, pour sa structure ambitieuse, basée sur une boucle temporelle dans laquelle est coincé le joueur. Avec Redfall, Arkane Austin, développeur de Prey, tente un pari : celui d'une expérience plus sombre, pensée autant pour le solo que pour le multijoueur coopératif. L'exclusivité Microsoft publiée par Bethesda et disponible day one dans le Game Pass (PC et Xbox) avait de quoi nous séduire sur le papier. Mais même un vampire ne goûterait pas de ce sang là...
Un beau jeu quand on n'y voit rien
Avant d'empaler du suceur de sang, Redfall nous demande de choisir entre quatre personnages. Chacun dispose de trois capacités plus ou moins utiles. Jacob est plutôt agréable à utiliser. Son premier pouvoir permet de repérer les ennemis à distance, le deuxième de devenir invisible et sa compétence ultime est d'invoquer un fusil de précision dévastateur. Devinder est un personnage assez explosif avec sa lance foudroyante, sa téléportation et sa caméra aveuglante. Rémi quant à lui peut exploser les ennemis avec ses pains de C4, ordonner à sa sirène d'attaquer ou créer une zone de soins. Layla s'en tire beaucoup moins bien. Sa capacité autorisant d'invoquer un ascenseur pour se projeter dans les airs est une vraie plaie à utiliser et n'apporte pas grand-chose en combat. Elle peut aussi invoquer son ex, Jason, pour l'aider à combattre temporairement. Mouais. Son aptitude qui lui permet de repousser les balles avec un parapluie est la plus utile. C'est directement après ce choix assez difficile à faire, car définitif, que les choses se compliquent...
Disons les choses comme elles le sont : Redfall est particulièrement laid, malgré la 4K. Les textures sont aussi grossières que les modèles 3D des personnages. Que ce soit la flore, les rochers, l'eau ou les différents édifices du jeu : tous les éléments graphiques font peine à voir. C'est encore plus criant de jour. Finalement, on finit par se réjouir des longues nuits de Redfall et que ses effets de lumière plutôt réussis grâce au HDR fassent un peu office de cache-misère. Techniquement, ne vous attendez pas à beaucoup mieux. Le jeu est bloqué à 30 FPS sur Xbox Series. Certes, un mode 60 FPS doit arriver ultérieurement, mais en l'état, la pilule est difficile à avaler. Au niveau des animations, le constat n'est pas meilleur. Les ennemis se déplacent comme dans les jeux d'il y a 15 ans. En outre, lors de notre partie, les bugs étaient nombreux. Ennemis qui traversent le sol, impossibilité de s'accroupir, barres de vie qui disparaissent et même jeu qui freeze totalement : il y en a pour tous les goûts. Et pourtant, difficile de dire si c'est sur le plan technique que Redfall s'en sort le moins bien.
Histoire anecdotique, mise en scène minimaliste
Malheureusement, le scénario de Redfall ne raconte rien de bien passionnant. Dommage, car la cinématique d'introduction qui nous explique comment la ville est devenue ce qu'elle est, laissait entrevoir une histoire accrocheuse. On se demande aussi pourquoi le jeu nous propose de choisir entre une voix féminine et masculine pour la narration, sachant qu'elle n'intervient que... deux fois, mais passons. Dans Redfall, notre personnage veut mettre fin au règne des vampires en détruisant le Soleil Noir qui domine la petite bourgade du Massachusetts. Pour ce faire, il se lance sur la piste du grand méchant des deux quartiers de Redfall qui terrifie la population locale. Lors des missions principales, on découvre donc ce qui a conduit ces anciens scientifiques d'Aevum à vriller.
La narration se contente du strict minimum avec quelques plans fixes en début de quête pour vous expliquer votre tâche. Les échos psychiques, que l'on trouve en mission, racontent le passé desdits méchants, mais ils nous ennuient plus qu'autre chose. De nombreux textes sont disséminés çà et là pour donner de l'épaisseur au lore et au scénario de Redfall, mais les lire devient rapidement lassant. On comprend qu'un jeu axé sur le multijoueur ne puisse pas offrir la même narration qu'un Dishonored, mais on se demande vraiment où est passé le savoir-faire d'Arkane sur ce coup-là. Le sound design sauve les meubles. Il installe une tension assez palpable au début du jeu, surtout de nuit. Les quelques bruits de vampires (et leurs menaces à notre égard) audibles au loin et les quelques musiques d'ambiance créent un réel sentiment d'insécurité. Tout cela s'envole rapidement quand on constate la stupidité de toutes les formes de vie qui nous entourent, mais nous y reviendrons plus tard.
Dans Redfall, même les vampires s'ennuient
Redfall propose deux grandes zones ouvertes. Donc non, il ne s'agit pas d'un open world à proprement parler. Dans celles-ci, il n'y a presque rien à faire. Les nombreuses maisons contiennent bien quelques ressources, mais cela reste bien maigre. On aurait aimé trouver quelques édifices de bien plus grande envergure pour retrouver tout le savoir-faire d'Arkane en termes de level design. Au final, on traverse rues désertes et forêts désolantes sans aucun plaisir et rien en chemin ne donne envie de s'arrêter pour explorer davantage. Heureusement que le voyage rapide permet de rapidement s'épargner ces balades d'une grande tristesse.
Même si on peut facilement grimper sur les bâtiments, la liberté d'approche des situations vendue par Redfall n'est qu'un mirage. Seuls quelques rares missions offrent plusieurs chemins pour s'infiltrer. Les environnements manquent cruellement de saveur, même sur le plan artistique. Tout se ressemble et nous avons vraiment le sentiment de nous retrouver dans un monde extrêmement générique, simplement habillé par un lore vampirique. Le titre propose tout de même quelques fulgurances artistiques dans ses missions principales, avec des niveaux tantôt assez glauques, tantôt à l'espace-temps déchiré, ce qui fonctionne et nous rappelle pourquoi Arkane a connu tant de succès. Mais c'est bien trop rare et le gameplay du jeu ne masque pas ce manque de folie.
On cherche toujours le feeling des armes
Le gameplay, et même le game design global de Redfall sonne le glas du titre. Arme en main, les sensations sont inexistantes. On ne ressent absolument pas leur impact et les effets des différentes pétoires laissent de marbre les ennemis, à l'exception du lance-pieux. Le recul aussi est totalement absent. La maniabilité catastrophique du jeu rend les affrontements encore plus laborieux. Les mouvements de notre personnage sont soit trop lents, soit erratiques. Cela complique grandement la visée. On s'étonne aussi que le titre ne propose aucune esquive. Lorsque les vampires se lancent à nos trousses, on se retrouve donc à courir comme un dératé pour les éviter, surtout Jacob, qui ne dispose d'aucun pouvoir adapté à ce type de situations.
C'est aussi un problème que rencontreront les joueurs qui veulent profiter de l'aventure seul. En fonction, du personnage choisi, certains contextes deviendront bien trop faciles à appréhender, quand d'autres perdent complètement leur fun. Par exemple, avec Jacob, "l'infiltration" est extrêmement aisée. Grâce à l'IA catastrophique des ennemis et le pouvoir d'invisibilité, vous pourrez traverser la zone en rushant sans souci. Étrange de ne pas avoir choisi de désactiver l'invisibilité en cas de sprint... Avec les autres personnages, se faire discret est bien plus compliqué. Encore plus frustrant : si vous arrivez à passer dans le dos d'un ennemi et asséner un coup au corps-à-corps, vous n'êtes pas sûr de tuer votre adversaire en un coup. Qu'il n'y ait aucune animation spécifique aux éliminations discrètes passe encore, mais cette loterie pour un jeu qui mise en partie sur la discrétion, c'est non. Pour revenir sur l'IA, cela faisait bien longtemps que nous n'en avions pas vu une aussi mauvaise dans un AAA. Les gardes peuvent se retrouver nez à nez avec vous... sans vous remarquer. D'autres fois, ils semblent omniscients et vous repèrent sans aucune raison. Et que dire de ces moments où les ennemis passent tous par la même porte pour se faire descendre les uns après les autres...
Des vampires qui font peine à voir
Quel que soit l'ennemi, la meilleure stratégie reste de se mettre le plus loin possible et de vider vos chargeurs avant qu'il ne se rapproche suffisamment. La faute à un bestiaire d'une grande tristesse. Les ennemis humains sont tous les mêmes, seules leurs armes évoluent. Parmi les vampires, on distingue le cataclysme, capable de lancer de grosses décharges de foudre, le saigneur, qui aspire votre sang à distance et le harponneur, qui peut vous attraper de très loin. La sentinelle et sa vision longue distance ainsi que le suaire, dont on n'a toujours pas compris l'intérêt, ne rendent pas les joutes plus palpitantes. Tous les combats s'appréhendent de la même manière. Pas de points faibles ou de résistances/faiblesses élémentaires au programme. Dommage qu'Arkane n'ait pas choisi d'exploiter à fond ce lore si prometteur. Les 4 combats de boss que comporte l'aventure demande un tout petit plus de réflexion. Mais sur 16 heures de jeu, cela reste extrêmement maigre.
Tout cela est bien dommage, car on dispose de plusieurs types d'armes bien pensés pour abattre les ennemis. Au-delà des classiques pistolets, mitrailleuses et fusils à pompe, le lance-pieux est indispensable pour achever les vampires une fois suffisamment affaiblis. Le pistolet de détresse est capable de faire de même. Le rayon UV, lui, permet de pétrifier les vampires. Grâce aux vestiges sanguins, vous pouvez aussi profiter de bonus passifs, comme l'augmentation de santé ou la résistance à certains types de dégâts. On se laisse plutôt prendre au jeu de la recherche d'un loot de meilleure qualité. Chaque arme dispose de cinq rangs, de standard à épique et comme dans un Borderlands, la découverte d'un équipement extrêmement rare fait toujours son petit effet. Il en va de même pour l'apprentissage des compétences. Chaque personnage peut parfaire ses aptitudes et obtenir des bonus passifs, comme celui qui permet d'augmenter les dégâts infligés à la tête, ou de transporter plus de munitions. On vous conseille vivement d'acquérir ce dernier, car on se retrouve très rapidement en rade si un affrontement dure un peu trop. On explique aussi difficilement le choix d'Arkane Austin de faire payer le ravitaillement de munitions dans les planques.
Un contenu plutôt intéressant
Si Redfall proposait un gameplay jouissif, on se plairait à dévorer son contenu plutôt généreux. Commençons par les nids de vampires. Ces donjons influencent le périmètre dans lequel ils se trouvent en rendant les vampires plus dangereux. Pour les détruire, il faut y pénétrer et arriver au cœur, de préférence en toute discrétion pour ne pas réveiller les vampires qui y sont endormis. Une fois le cœur détruit, vous disposez de quelques secondes pour récupérer un maximum de butins avant de vous enfuir pendant l'effondrement. Une idée plutôt intéressante, mais arriver au bout du nid est tellement facile que cela perd tout son intérêt. Autre événement qui peut s'abattre sur Redfall : les tempêtes cataclysmiques.
Elles interviennent lorsque vous accomplissez des objectifs de missions ou que vous tuez des vampires spéciaux. Le ciel vire alors au rouge sang, des éclairs s'abattent sur la ville et un cataclysme apparaît. Il faut détruire ce puissant adversaire pour que tout revienne dans l'ordre. Les refuges, lieux qui servent de points de contrôle, donne accès à des missions annexes peu engageantes (vague d'ennemis, destruction d'un vampire puissant...). Vous serez obligé de passer par celles-ci pour récupérer des crânes de lieutenants et déverrouiller l'accès au boss de fin de zone.
La coop pour sauver le tout ?
Redfall propose de la coopération jusqu'à 4 joueurs. Et heureusement. On subit bien moins l'aventure en la partageant à plusieurs. Ne vous attendez pas non plus à une aventure transcendante, les défauts cités plus haut sont toujours présents, mais leur impact s'atténue un tant soit peu. En revanche, la synergie entre les différents personnages ne saute pas forcément aux yeux en multijoueur. Votre côté tactique ne sera pas mis à l'épreuve comme dans un Left 4 Dead (alors même que ce dernier ne propose pas de capacités spéciales).
Pour conclure, sachez que si vous souhaitez découvrir tout le contenu de Redfall, il faudra absolument le faire avant de terminer l'histoire principale. Après la dernière quête, le jeu vous renvoie directement au new game+. Frustrant pour ceux qui souhaitaient se garder sous le coude le contenu annexe. La fin de Redfall, plutôt ouverte, laisse penser qu'Arkane se laisse la chance de proposer un DLC ou une suite. Pas sûr qu'on soit au rendez-vous...